Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les rois du pétrole
7 mars 2010

Absolument abasourdi !


Edit du 25 juin 2010 : il y a du nouveau et, apparemment, ça bouge beaucoup... Voir mon billet du 25/06/2010.


Depuis quelques jours, par personne interposée, je me marre comme un bossu...

Zoé Shepard vient de sortir un livre sur les dysfonctionnements d’une collectivité territoriale : Absolument dé-bor-dée, ou le paradoxe du fonctionnaire (bandeau quelque peu racoleur ajouté par l’éditeur : Comment faire les 35 heures... En un mois ! ).

A dix jours d’élections.

On ne pourra pas blâmer son éditeur de ne pas savoir faire preuve d’à-propos... Même si l’action se déroule dans une mairie.

Le service de presse étant ce qu’il est, c’est le Figaro qui, je crois, a dégainé le premier (ou dans les tous premiers) en publiant les extraits qui ont dû lui être aimablement fournis par l’éditeur (puisqu’on lit les mêmes d’un site à l’autre). Ça dispense sans doute d’avoir à piocher soi-même dans le livre, en ces temps où tout doit aller vite, ne pas s’attarder outre mesure sur le sujet de son article, c’est toujours ça de pris. Enfin bon, je suppute.

Évidemment les prévisibles réactions des lecteurs du Figaro nous confortent sur ce que l’on pourrait penser d’eux.

Il y a eu ensuite quelques interviews radios au cours desquelles Zoé Shepard a resitué le contexte de son livre (par exemple, celle de vendredi matin sur France-Inter. Il semblerait que les questions du journaliste aient été quelque peu orientées, l’agacement de l’auteur a passé la barrière du montage).

Il y a aussi eu une interview sur le site Fluctuat.net, la seule interview écrite je crois (à ce jour). C’est mieux que moins de deux minutes sur une antenne nationale, ça permet d’expliquer, finalement Zoé Shepard n’est pas la méchante vilaine qui ne fait rien qu’à casser les fonctionnaires. Bon, j’ai bien dit expliquer, j’ai pas dit s’expliquer ou se justifier hein ! (des fois que des lecteurs du Figaro traînent leurs guêtres par ici). Surtout que bon, dans le livre il est bien plus question des contractuels qui gravitent autour des fonctionnaires ou les encadrent plutôt que des fonctionnaires eux-mêmes (ceux qui auront vraiment lu le livre sauront de quoi je parle :-p ).

Pis là, dans un moment de désœuvrement couplé à une envie de tâter l’ampleur du « buzz », je viens de faire une recherche sur Google et je suis tombé sur cet article de La lettre du cadre.fr.

Ah dis donc ! Ils n’ont pas aimé !

Est-ce qu’ils ont lu le livre ? Probablement pas puisqu’ils ne citent que le Figaro comme source (Décidément... Tout ramène vers eux... Plus besoin d’aller à Rome). Et c’est sur cette source qu’ils appuient leur indignation... Tu as raison LettreduCadre.fr ! Finalement, ce n’est pas ta rigueur intellectuelle qui te tuera, c’est ta paresse.

Ah mais non ! LettreduCadre.fr c’est la lettre des Cadres territoriaux. Des collègues à Zoé Shepard !

Ils ont donc dû avoir le temps de lire le livre sorti jeudi, non ?

Faut croire que non. Sinon ils l’auraient compris ? Sont quand même pas tous du niveau de Coconne ou Simplet, non ?

Comme l’a dit Zoé Shepard sur France-Inter, cacher un problème de le résoudra pas, en parler ne l’aggravera pas. Il semblerait que cette saine opinion ne soit pas véritablement partagée.

Et Absolument dé-bor-dée dans tout ça ?

Eh bien c’est un livre qui fait drôlement rigoler, et qui fait drôlement mal dans le même temps.

La vie d’une collectivité territoriale, vue de l’intérieur. Elle fait drôlement mal cette collectivité-là. On y trouve notamment une Nelly – qui rivalise à elle seule avec le plus vaste des champs d’éoliennes -, 

une Alix – sûrement là parce qu'elle est la nièce du Don (le maire), auto-proclamée inspectrice des travaux finis, qui soutient qu’Amélie Nothomb est française et non belge car Je l’ai vue à la télé, elle parle français, pas belge -,

Le Gang des Chiottards – des non élus promus aux postes clés près de l’Elu (au cabinet du maire, quoi).

La preuve par neuf que gabegie, inconséquence et incompétence se marient parfaitement avec pipotage et comités de pilotages (oui, oui, c’est une paronomase).

A peine sorti, le livre est déjà en réassort (j'ai mes sources ;-) )... Et à peine sorti il y a déjà une bande d'aigris envieux qui se manifeste pour démonter, qui le livre, qui l'auteur...

Comme le dit mon pote informaticien à qui j'ai parlé de tout ça, « C'est bien ! C'est bien qu'il y ait des gens qui mettent un peu le bazar.... » En tout cas, un livre qui révèle la petitesse d’esprit de ceux qui manifestent un esprit de corps mal placé.

Allez hop ! Un p'tit extrait d'Absolument débordée :

« Depuis son relookage quelque deux mois auparavant, la cantine – qui ressemblait auparavant à un classique réfectoire de lycée – évoque à présent une sorte d'aquarium psychédélique plaqué contre un immense mur vert pelouse et éclairé par des lampes halogènes diffusant une lumière blanche à vous percer les rétines.

L'architecte, qui n'a pas hésité à décrire son œuvre comme un lieu de vie et d'échange, un « nouveau jardin d'Éden aux inspirations hétéroclites » (sic), a réussi l'exploit de déplacer le problème des files d'attente : s'il est vrai que nous attendons désormais moins longtemps au self, il n'est pas rare que nous poireautions vingt  minutes, plateau dans les mains, qu'une table se libère, le brillant décorateur ayant tenu à « casser l'uniformité aliénante de ce lieu de détente et de convivialité » en installant des tables de toutes les formes qui n'ont en commun que le fait de permettre à un minimum de personnes de déjeuner assises en même temps.

Aujourd'hui, coincée entre Coconne et Paloma sur un banc prévu pour deux, je me demande si entasser les quelque sept cents agents qui œuvrent à la mairie dans un espace censé en accueillir moins de quatre cents durant les deux heures de pause-déjeuner est vraiment gage de détente et de convivialité.

Accéder au jardin d'Éden a un prix : cette collectivité œuvrant pour le service public a dilapidé plus d'un million d'euros pour que nous puissions prendre nos repas dans le produit du bad trip d'un fétichiste du gazon shooté aux champignons hallucinogènes.

Si l'attente y est comparable à celle du plus prisé des restaurants parisiens, notre cantine n'en a malheureusement pas la carte et au fur et à mesure que la qualité des repas s'est dégradée, le chef cuisinier a fait preuve d'une imagination sans borne dans l'appellation des plats.

J'entame sans enthousiasme mon « gratin de rouget pané et sa sauce crevette aux zestes d'agrume » qui ressemble furieusement à un poisson pané Findus recouvert d'un mélange de la sauce servie le vendredi précédent, d'un citron racorni et de jus d'orange reconstitué, et pendant que j'ôte patiemment arêtes et pépins, je réalise que l'Intrigante s'est mise en position King Charles écoutant le son de la cornemuse.

Comment ai-je pu oublier ? Aujourd'hui n'est pas seulement le jour de la réunion de service, mais également le jour de la réunion des directeurs généraux de la collectivité.

Étonnamment, alors que l'endroit s'y prête logiquement nettement moins que les bureaux, nous n'entendons parler ce jour-là que de marchés publics et autres conventions de partenariat, entre deux mastications. Un observateur extérieur serait totalement leurré.Quels bourreaux de travail, ces fonctionnaires ! Même pendant leurs pauses, ils discutent boulot ! Ce serait une grossière erreur. Ces pseudo-zélés travailleurs sont en réalité en représentation.

Car le jour de la réunion des directeurs généraux, lorsqu'il n'a pas réussi à se faire régaler dans les plus grands restaurants des environs aux frais de la collectivité, le directeur général des services de la mairie, Grand Chef Sioux, débarque à la cantine.

Il faut alors être prêt à dégainer le « it-sujet » qui, en un passage furtif de plateau, lui fera comprendre l'incroyable atout que vous constituez pour la collectivité, mais surtout pour le Reste du Monde.

Qu'il se sente privilégié non pas de posséder deux canapés, un lecteur de DVD et une télévision à écran plasma dans la garçonnière qu'il appelle son « bureau », mais de vous compter parmi ses troupes. Dans la grande guerre pour l'amélioration du service public à laquelle GCS participe activement — ne serait-ce que par la redevance qu'il fait payer à la collectivité pour sa télé —, vous devez vous imposer comme son soldat favori.

Alors que je tente de faire passer le goût du rouget avec un grand verre de Coca, l'Intrigante est prise d'un violent spasme.

— Le DGS, le DGS, il est là, il est là... se met-elle à caqueter, le visage déformé par l'excitation à la perspective de pouvoir se mettre en valeur.

– Il est là tous les lundis. Pile le seul jour où vous déjeunez à la cantine. C'est fou comme coïncidence, non ? fais je remarquer.

– Paloma, pensez-vous que nous devrions développer la coopération avec la Navarre ? Compte tenu du poids de notre industrie automobile, il me semblerait extrêmement judicieux d'établir un diagnostic sur le potentiel économique de cette région. Un peu de benchmarking auprès des autres collectivités ayant développé de tels partenariats avec d'autres communautés autonomes, s'écrie-t-elle, la voix allant crescendo au fur et à mesure de la progression du Grand Chef Sioux vers notre table.

De toute évidence, quelqu'un a surfé sur Wikipédia ce matin...

Mon regard tombe alors sur Paloma qui a une tête à tenter de diviser mentalement 7653 par 345. Lorsque l'Intrigante lui parle, elle répond par un « oh, je vois » conciliant, alors que son regard effaré révèle que non, elle ne voit rien du tout.

– Por qué elle parle de Navarre à moi ? me chuchote-t-elle.

– Porque Navarra es un sujet très porteur qui pourrait la faire mousser aux yeux de ce grand dyslexique devant l'Éternel qui nous sert de DGS, suggéré-je sur le même ton.

– Qué ? Oh, je vois.

– Voilà le topo : l'Intrigante voudrait que le Grand Chef Sioux la remarque. Or, de la même manière que des adolescentes pré-pubères gloussent à l'approche des garçons pour se faire remarquer, l'Intrigante parle fort de sujets qu'elle pense maîtriser à l'approche du Grand Chef. Elle espère qu'il va la remarquer et la féliciter de son excellent travail.

– Mais su travail est pas excellent du tout, objecte Paloma, dont les connaissances linguistiques ne me paraissent finalement pas si catastrophiques.

– En France, on a une expression assez révélatrice, c'est : « Au pays des aveugles, les borgnes sont rois. » Les borgnes, ce sont les personnes qui n'ont qu'un œil. Cela signifie que l'excellence, surtout ici, est quelque chose de très relatif.

– Oh, je vois.

Et effectivement, comme le reste de la table, Paloma voit l'Intrigante exposer à Grand Chef Sioux sa brillante idée de partenariat, ne s'arrêtant que pour pouffer de rire à la énième blague vaseuse d'un directeur dont l'unique objectif est probablement de pouvoir manger son « gratin de rouget pané et sa sauce crevette aux zestes d'agrume » avant qu'il ne refroidisse. »

On attend avec impatience un deuxième tome... Consacré aux élus ? :D

 

zoe_1

 

 

 

PS : cet article reçoit un paquet de visites d'un nom de domaine en provenance d'une grande collectivité territoriale... Alors GCT ? On cherche des indices ? :D

Autre PS : le blog de Zoé Shepard existe-il ? Mmmmm... En tout cas, elle a une page Facebook.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Newsletter
Les rois du pétrole
Publicité